TROISIÈME ÉDITION DE L’OBSERVATOIRE DES LOYERS JUDICIAIRES
PARIS : 2009 - 1ER SEMESTRE 2014
NANTERRE : 2013 - 1ER SEMESTRE 2014
Par :
Serge Fruchter - Expert près la cour d’appel de Paris
Alain Betaille - Expert près la cour d’appel de Paris
Marie-Alice Pain - Expert associée du Cabinet Pain expertises
Il s’agit de la troisième édition de cette étude qui résulte de la compilation d’un grand nombre de fixations judiciaires (près de 1 000) de la chambre des loyers commerciaux du TGI de Paris. Comme l’année passée, nous avons également analysé des fixations judiciaires d’un département de la première couronne parisienne en choisissant cette fois des références émanant du TGI de Nanterre, ce qui nous a permis d’établir un panorama des décisions judiciaires des Hauts-de-Seine.
L’Observatoire des loyers judiciaires qui résulte notamment de l’analyse d’un grand nombre de décisions (près de 1000) en matière de baux commerciaux, intervenues à Paris entre 2009 et le 1er semestre 2014, s’est enrichi pour sa troisième édition de plus de 170 jugements (plus de 200 l’an dernier), ce qui reflète une troisième baisse significative du nombre de fixations judiciaires. L’année passée, nous rappelions les objectifs de cette étude annuelle et nous évoquions les soubresauts du marché immobilier et les changements qui s’annonçaient dans le droit des baux commerciaux. Convenons que nous avons été comblés. Pour le premier, les anticipations s’annoncent sous des augures plus sombres que jamais, la crise économique n’y suffisait pas, la fiscalité et les modifications législatives et réglementaires, de toute nature, ont fini par dérégler un secteur économique qui avait réussi bon an mal an à surmonter avec succès les aléas des années « post Trente-Glorieuses ». Pour le second, la loi Pinel du 18 juin 2014 « s’affaire à démonter » le mécanisme délicat de rapports de force complexes entre bailleurs (foncière ou petits propriétaires dont le loyer constitue un complément de retraite) et locataires (enseignes nationales et internationales ou petits commerçants). Dès lors, la question centrale dans notre secteur d’activité va devenir, non pas la pérennité de la loi Pinel, mais la faculté à surmonter les difficultés résultant d’investisseurs démobilisés et de consommateurs désargentés. Il sera par conséquent intéressant de vérifier si ces tendances sont déjà décelables dans l’analyse statistique des fixations judiciaires de la dernière période. Cette année encore, notre analyse se décline en quatre parties. Nous avons de nouveau franchi sans remords le périphérique pour nous intéresser aux jugements du TGI de Nanterre. Après avoir étudié l’an dernier les éléments de minoration de la valeur locative, nous consacrons cette année un chapitre à ses éléments de majoration. Dès lors, le sommaire de cette étude est le suivant :
Grandes tendances des fixations judiciaires 20092014 à Paris
Comme l’année passée, nous avons mené une série d’analyses afin de déterminer les grandes tendances des jugements recensés en matière de fixation des loyers commerciaux :
Pour rappel
Ni les affaires ayant donné lieu à un rapprochement en cours de procédure, ni celles où un désistement est intervenu, ni, enfin, les appels ayant réformé des jugements n’ont été pris en compte.
Quels sont les enseignements à tirer des décisions judiciaires intervenues entre le 1er juillet 2013 et le 30 juin 2014 ?
Contrairement à l’année passée, le plafonnement des loyers redevient la décision la plus fréquente. De surcroît, ce type de décisions a augmenté (c’est d’ailleurs le seul qui connaisse une augmentation) en une année de plus de 20 %, ce qui pourrait être interprété comme le premier indice de la prise en compte de la crise montante.
Le phénomène des valeurs locatives inférieures aux loyers résultant de l’évolution des indices est désormais en voie de se résorber, tandis que les jugements en matière de loyer révisé augmentent encore, mais beaucoup moins que l’année passée, ce qui s’explique par l’anesthésie des indices qui reflète, d’ailleurs, celle de l’économie.
Enfin, sur le plan quantitatif, les jugements ont été moins nombreux mettant ainsi fin à un cycle d’augmentation qui a connu son apogée au 1er semestre 2013 ; cela résulte de la diminution des jugements concluant à un motif de déplafonnement :
Résultats de l’analyse des motifs de déplafonnement en fonction de la date des jugements
L’examen du tableau 1 permet de formuler les observations suivantes : Tableau 1 : Résultats de l’analyse des motifs de déplafonnement en fonction de la date des jugements
Plafonnement du loyer : entre 21 % et le tiers des jugements (entre 16 % et le tiers des jugements dans l’étude de l’année passée). Étant observé que cette hausse relative des jugements concluant à un plafonnement constitue un basculement par rapport à la dernière période ;
Tableau 2 : Plus de 5 années de fixations judiciaires (de 2009 au 1er semestre 2014). Locaux commerciaux de toute nature
Déplafonnement du loyer pour des baux de neuf ans ayant duré plus de douze ans et des baux de plus de neuf ans : entre 17 et 25 % des jugements (entre 17 et 21 % des jugements dans l’étude de l’année passée). Ce motif de déplafonnement est le plus fréquent au cours du 1er semestre ;
Déplafonnement du loyer pour modification des facteurs locaux de commercialité : entre 9 et 16 % des jugements (entre 8 et 18 % des jugements dans l’étude de l’année passée). Étant observé que cette baisse relative des jugements concluant à un déplafonnement correspond à une tendance ayant commencé en 2012 ;
Déplafonnement du loyer pour modification des caractéristiques des locaux : entre 1 et 8 % des jugements (entre 2 et 8 % des jugements dans l’étude de l’année passée). Sans changement ;
Fixation d’un loyer à la valeur locative inférieure au loyer résultant de l’évolution des indices : entre 1 et 11 % des jugements (entre 5 et 11 % des jugements dans l’étude de l’année passée). Ce motif de déplafonnement est désormais proche de l’extinction, comme l’est d’ailleurs l’évolution de l’indice INSEE du coût de la construction à l’origine de cette situation inhabituelle,
Fixation d’un loyer révisé à la valeur locative : entre 0 et 14 % des jugements (taux identique à l’année passée). Là encore, ce motif de déplafonnement qui résulte des conséquences de l’emballement de l’indice INSEE du coût de la construction est en plein déclin et on peut sans grand risque parier sur sa disparition dans les deux ans qui viennent.
Résultats de l’analyse des jugements en fonction du type de locaux
L’examen du tableau 2 conduit à formuler les observations suivantes :
Dans les grandes lignes, peu de changement avec les boutiques qui représentent toujours plus de 70 % des jugements.
Les grands équilibres n’ont pas été modifiés. En effet toutes les catégories de surfaces commerciales ont conservé le même poids relatif à l’exception des locaux commerciaux sur cour et en étage et des locaux d’activités qui s’effacent presque totalement de l’écran des procédures en matière de loyers, ce qui peut s’expliquer par la modestie des enjeux locatifs pour ce type de locaux.
Pas de surprise dans l’examen du tableau 3 qui confirme le poids écrasant des boutiques en matière de fixation de loyers commerciaux.
Tableau 3 : Plus de 5 années de fixations judiciaires (du début 2009 au 1er semestre 2014) Boutiques et locaux commerciaux
(hors locaux monovalents)
Résultats de l’analyse des jugements en fonction de la situation géographique dans la capitale
Tableau 4 : Plus de 5 années de fixations judiciaires (de 2009 au 1er semestre 2014) Boutiques et locaux commerciaux
(hors locaux monovalents)
L’examen du tableau 4 appelle les observations suivantes :
Pour le reste, pas de vrai bouleversement, le paradoxe persiste: un arrondissement avec une ou deux artères commerçantes (le 11e) performe mieux que des arrondissements dotés d’artères très commerçantes (1er, 2e, 4e, 5e, 6e, 7e, 12e, 14e 15e et 16e).
En ce qui concerne la modification des facteurs locaux de commercialité, l’analyse globale ne permet pas de déceler de grands changements : les dix arrondissements (2e, 4e, 6e, 7e, 8e, 9e, 11e, 12e, 13e et 18e) qui s’octroyaient l’an dernier près de 74 % des jugements (et 80 % l’année précédente) en représentent toujours 75 %. En revanche, six arrondissements voient le nombre de jugements diminuer (6e, 7e 11e, 12e, 13e et 18e arrondissements) et cinq arrondissements (4e, 8e, 9e, 10e et 15e) représentent les deux tiers des jugements ayant conclu à une modification des facteurs locaux de commercialité pendant la dernière période (juillet 2013 à juin 2014).
Résultats de l’analyse des renouvellements et des révisions en fonction de leur date d’effet
(Voir tableau 5)
Résultats de l’analyse des renouvellements et des révisions en fonction de la destination des lieux loués
(Voir tableau 6)
Les grands enseignements à tirer de cette dernière analyse sont les suivants :
Études résultant d’une procédure judiciaire sont déplafonnés :
Étant bien sûr rappelé que les fourchettes de valeurs locatives retenues, comme l’ensemble de ces données, ne reflètent que la situation résultant des fixations judiciaires et non des conditions du marché. Le différentiel étant justement illustré dans le chapitre suivant.
État comparatif des loyers fixés judiciairement et des loyers de marché
(Voir tableau 7)
A la relecture de ce tableau, on peut clairement parler de « fracture locative » entre les meilleurs emplacements qui continuent à enregistrer sans coup férir des loyers de plus en plus élevés et les loyers des autres secteurs commerçants qui sont nettement moins flamboyants, les fixations judiciaires étant toujours en décalage marqué avec les loyers de marché.
L’emballement des loyers parisiens est désormais cantonné aux quelques secteurs de la capitale recherchés par les enseignes du luxe peu sensibles aux tourments nationaux.
La difficulté d’appréciation pour les praticiens de l’expertise immobilière porte essentiellement sur les zones grises intermédiaires entre les quelques secteurs en « ébullition » et les secteurs à loyers « apaisés ».
Tableau 5 : Points marquants de plus de cinq années de fixations judiciaires (2009 au 1er semestre 2014)
Boutiques et locaux commerciaux (hors locaux monovalents)
Étude détaillée en fonction de critères géographiques résultant de jugements du TGI de Paris
Secteur Haussmann – Saint-Lazare
Motifs de déplafonnement
Concernant ce secteur, une seule décision relativement ancienne conclut au déplafonnement pour modification des facteurs locaux de commercialité.
Il s’agissait d’une activité de restauration self-service dont les locaux étaient constitués de trois baux, les deux premiers renouvelés au 1er juillet 2006, le dernier au 1er juillet 2007, l’ensemble représentant une surface totale pondérée de 199 m² p.
Le tribunal avait retenu la fixation à la valeur locative pour un montant unitaire de 600 €/m² p résultant de la hausse de la fréquentation de la station de métro Havre-Caumartin, de l’ouverture de la ligne de RER E et de la construction ou de la rénovation de plus de 157000 m² de bureaux (TGI Paris 14 octobre 2010 - n° RG 08/15908). On observera également que dans deux décisions plus récentes le bailleur avait invoqué la modification notable des facteurs locaux de commercialité sans que celle-ci ne soit retenue par le tribunal. Ainsi pour un renouvellement de bail au 1er octobre 2009 d’un commerce de prêt-à-porter pour dames sis 32 bis, boulevard Haussmann à Paris 9e, le tribunal a écarté les arguments développés par le bailleur considérant que l’arrivée de nouvelles enseignes concurrentes n’étaient pas suffisante, au regard du commerce exercé, pour constituer un motif de déplafonnement (TGI Paris 18 décembre 2012, n° RG 09/17582).
De même dans le cadre d’un renouvellement de bail au 1er avril 2011 d’un restaurant sis 16, rue Joubert à Paris 9e, le tribunal a considéré que l’augmentation de la fréquentation des stations de métro situées à proximité, la hausse de la population de l’arrondissement à peine supérieure à la moyenne parisienne et le nombre et la nature des constructions neuves n’étaient pas de nature à constituer une modification notable des facteurs locaux de commercialité (TGI Paris 5 novembre 2013, n° RG 11/15060).
Si ce secteur ne s’illustre pas particulièrement par les décisions ayant constaté une évolution notable de la commercialité, il conviendra de rester prudent, car cette situation pourrait évoluer avec l’ouverture courant 2012 du centre commercial de la gare Saint-Lazare et le nouveau pôle de restauration du magasin Lafayette-Maison ouvert depuis quelques semaines.
En résumé : Pas de modification notable récemment retenue, mais secteur en devenir.
Les valeurs locatives
S’agissant des loyers unitaires de renouvellement en matière de boutiques, la « palme » revient à une enseigne d’équipement de la personne sis 14-16, rue Halévy et 11-13, rue de la Chaussée-d’Antin à Paris 9e moyennant un loyer unitaire de 2000 €/m² pour une surface pondérée de 258,72 € m² p et un renouvellement à effet du 1er avril 2011. Cette valeur locative élevée s’explique par la visibilité de l’emplacement situé dans les faits boulevard Haussmann face à la partie commerçante de la rue de la Chaussée-d’Antin et du magasin principal des Galeries Lafayette (TGI Paris 18 février 2014, n° RG 12/06175).
On citera également le renouvellement de bail d’un commerce de chaussures maroquinerie situé 5 rue du Havre à Paris 8e, d’une surface de 57 m² p, dont le loyer révisé au 7 février 2011 a été fixé Études à 108000 € soit un loyer unitaire de 1900 €/m² p (TGI Paris 19 avril 2013, n° RG 11/05519).
A contrario, la valeur locative la moins élevée du secteur concerne une activité de restauration précédemment citée sise 16, rue Joubert à Paris 9e avec un loyer unitaire au 1er avril 2011 de 355 €/m² p et une surface pondérée de 57,27 m² p (TGI Paris 5 novembre 2013, n° RG 11/15060).
En résumé : Valeur locative retenue la plus élevée : 2000 €/m² p, activité de prêt-à-porter, la moins élevée : 355 €/m² p, activité de restauration.
Secteur rue du Commerce – rue Saint-Charles
Motifs de déplafonnement
Il s’agit d’un secteur particulièrement riche en matière de décisions ayant retenu une modification notable des facteurs locaux de commercialité.
Plus précisément, depuis 2009, la rue du Commerce concentre à elle seule 44 % des fixations à la valeur locative de l’arrondissement résultant de ce motif. En effet, si par le passé la dominante alimentaire de la rue du Commerce était incontestable, on observe depuis de nombreuses années un effet de « grignotage » au profit d’autres activités, notamment des enseignes d’équipement de la personne. Ainsi, au fil du temps cette artère est devenue l’un des hauts lieux du commerce de l’arrondissement. Il restera à en mesurer les conséquences sur les autres artères commerçantes du secteur, voire de l’arrondissement, étant observé que l’ouverture récente du nouveau centre commercial Beaugrenelle risque de provoquer une redistribution des cartes dont les effets sur la commercialité de la rue du Commerce, mais surtout sur celle de la rue Saint-Charles restent à mesurer. Dès lors, au regard de la situation « excentrée » de la rue Saint-Charles par rapport au centre Beaugrenelle, il est à craindre qu’une partie de sa chalandise se trouve aspirée par l’attractivité indéniable que constitue ce nouveau concept en matière de centres commerciaux.
S’agissant de la modification des facteurs locaux de commercialité rue du Commerce, on peut citer pas moins de cinq décisions dont les deux plus récentes concernent :
Tableau 6
A contrario, la modification notable des facteurs locaux de commercialité a été écartée pour un commerce de prêt-à-porter masculin situé au n° 83 de la rue pour un renouvellement au 1er janvier 2011 (TGI Paris 30octobre 2013, n° RG 11/14989).
S’agissant du secteur de la rue Saint-Charles, on peut citer deux décisions :
En résumé : Nombreuses décisions concernant les facteurs locaux de commercialité rue du Commerce, mais évolution future plus incertaine (ouverture Beaugrenelle et « maturité commerciale » de la rue).
Les valeurs locatives
En matière de valeurs locatives, les montants les plus élevés dans ce secteur concernent la rue du Commerce et avoisinent
les
1000 €/m² p.
On peut citer :
S’agissant de la place Charles-Michel, et de la partie commerçante de la rue Saint-Charles, les deux décisions précédemment citées semblent démontrer que les valeurs locatives unitaires de ce secteur n’excèdent pas la barre symbolique des 500 €/m² p avec des montants voisins de 300 € à 350 €/m² p dès que l’on s’éloigne des grandes artères commerçantes.
Ainsi, le tribunal a retenu, dans le cadre d’un renouvellement de bail au 1er octobre 2011 d’une boucherie-charcuterie située rue Edmond-Roger, à proximité immédiate de la rue des Entrepreneurs (soit entre la place Charles-Michels et la rue du Commerce), une valeur locative unitaire de 325 €/m² p pour une surface pondérée de 71,60 m² p (TGI Paris 7 janvier 2014, n° RG 11/17403).
En résumé : Valeur locative retenue la plus élevée : 1000 €/m² p, activité de prêt-à-porter, rue du Commerce, et 450 €/m² p pour le secteur Saint-Charles – Charles-Michels, la moins élevée : 325 €/m² p, pour un commerce de bouche.
Le 14e arrondissement
Modification notable des facteurs locaux de commercialité
Il s’agissait d’un arrondissement de Paris où, historiquement, quelques artères constituaient l’essentiel de la problématique en matière de loyers de boutiques. Les dernières fixations judiciaires du TGI de Paris ne font que le confirmer.
Ainsi, la rue d’Alésia et l’avenue du Général-Leclerc concentrent à elles seules 50 % des procédures judiciaires en matière de fixation à la valeur locative de baux de boutiques.
On observera également que, dans 43 % des jugements concluant au déplafonnement du loyer et qui concernent l’arrondissement, le tribunal a retenu comme motif la modification notable des facteurs locaux de commercialité. L’avenue du Général-Leclerc arrive en tête de ce palmarès avec pas moins de trois décisions ayant retenu la modification notable des facteurs locaux de commercialité :
A contrario, aucune décision récente en matière de modification notable des facteurs locaux de commercialité ne concerne la rue d’Alésia, la dernière fixation pour ce motif ayant été retenue pour un renouvellement de bail au 1er janvier 2007 (TGI Paris 26 mars 2010, n° RG 08/01543).
On observera également que dans le cadre d’une fixation judiciaire à effet du 1er janvier 2010 d’une librairie-papeterie sise 14, rue Boulard, à proximité de l’avenue du Général-Leclerc et de la partie commerçante de la rue Daguerre, le tribunal a écarté la demande des bailleurs qui avait invoqué la modification des facteurs locaux de commercialité (TGI Paris 2 juillet 2014, n° RG 12/02468).
L’ensemble de ces éléments laisse à penser que cette partie de l’arrondissement subit un glissement du « centre de gravité de l’activité commerciale » vers l’avenue du Général-Leclerc au détriment de la rue d’Alésia.
Deux autres fixations à la valeur locative résultant de la modification notable des facteurs locaux de commercialité peuvent être citées bien que les dates d’effet des renouvellements soient anciennes. Elles concernent deux boutiques sises 85, avenue du Maine, l’une pour un commerce de confiserie-chocolaterie, le bail ayant été renouvelé au 1er juillet 2006, l’autre pour une horlogerie-bijouterie avec un renouvellement au 1er octobre 2007.
Dans ces deux cas, l’augmentation importante de la fréquentation de la station de métro Gaîté, située à proximité immédiate des lieux loués, a constitué l’élément principal justifiant la fixation du loyer à la valeur locative (TGI Paris 22 juin 2012, n° RG 09/08259 et 17 septembre 2012, n° RG 09/17013).
En résumé : Nombreuses décisions concernant les facteurs locaux de commercialité pour l’avenue du Général-Leclerc et non pour la rue d’Alésia et les rues limitrophes à l’attractivité commerciale moindre.
Tableau 7 : État comparatif des loyers fixés judiciairement (entre 2009 et le 1er semestre 2014)
et des loyers de marché en matière de boutiques classés par montants
Les valeurs locatives
Comme nous avons pu le constater précédemment, en matière de modification notable des facteurs locaux de commercialité, les loyers unitaires les plus élevés sont situés dans le secteur Général-Leclerc – Alésia.
Il s’agit du renouvellement au 3 avril 2007 d’un commerce de bazar précédemment cité où le tribunal a retenu une valeur locative unitaire de 850 €/m² p pour une surface pondérée de 85,30 m² p (TGI Paris 7 avril 2011, n° RG 08/12834).
S’agissant de la rue d’Alésia, le tribunal a retenu dans le cadre d’une procédure en renouvellement de bail à effet du 25 novembre 2008 d’un commerce de prêt-à-porter enfants comportant deux baux un loyer unitaire de 750 €/m² pour des surfaces pondérées respectivement de 75 €/m² p et de 111 m² p (TGI Paris 14 juin 2014, n° RG 10/13774).
Le loyer le moins élevé dans ce secteur correspond :
En résumé : Valeur locative retenue la plus élevée : 850 €/m² p, activité de bazar, avenue du Général-Leclerc et 750 €/m² p pour la meilleure partie de la rue d’Alésia; la moins élevée: 375 €/m² p rue d’Alésia dans une portion moins attractive.
Étude détaillée en fonction de critères géographiques résultant de jugements du TGI de Nanterre
Cette année nous franchissons à nouveau le périphérique pour nous intéresser au département des Hauts-de-Seine. Pour ce faire, nous avons analysé plus d’une soixantaine de décisions judiciaires nous ayant permis d’identifier les différentes valeurs locatives judiciaires, mais également les communes où une modification notable des facteurs locaux de commercialité a entraîné une fixation du loyer de renouvellement à la valeur locative.
Nous avons également observé que dans certaines communes les valeurs locatives fixées par le tribunal étaient inférieures aux loyers plafonnés.
La modification notable des facteurs locaux de commercialité
La modification notable des facteurs locaux de commercialité traduit une évolution sensible du paysage urbain et commercial d’une commune ou d’un secteur donné. Ainsi, certaines villes ont connu une profonde évolution de leur environnement urbain et une mutation de la typologie des résidents. Les différentes décisions judiciaires portant sur l’évolution notable des facteurs locaux de commercialité mettent en exergue ces évolutions.
(Voir schéma ci-dessous).
Nous observerons toutefois que si certaines communes des Hauts-de-Seine ont connu et connaissent encore un bouleversement de leur physionomie (Voir tableau 8 ci-dessous), peu ou pas de décisions judiciaires les concernant ont pu être recensées. L’explication tient certainement dans l’absence d’enjeux en matière commerciale au regard de la faiblesse des loyers pratiqués.
Tableau 8 : Évolution de la population entre 1999 et 2010
La commune de Clichy (dont la population a considérablement augmenté) détient la palme des décisions concernant la modification notable des facteurs locaux de commercialité pour des commerces d’alimentation. Le tribunal a ainsi retenu le déplafonnement pour une boulangerie sise 62, boulevard Jean-Jaurès à Clichy dans le cadre d’un renouvellement de bail au 1er octobre 2007 pour une surface pondérée de 108,44 m² p (outre un logement de 46,80 m²) et un loyer unitaire pour la partie commerciale de 270 €/m² p, soit une valeur locative de 40500 € dont 29279 € pour la partie commerciale (TGI Nanterre 21 janvier 2013, n° RG 10/01015).
Toujours à Clichy pour une activité de café-restaurant dans un local commercial sis 2, boulevard Jean-Jaurès, le tribunal a retenu à nouveau le déplafonnement dans le cadre d’un renouvellement de bail au 1er octobre 2009 pour une surface pondérée de 105 m² p (outre un logement de 48,14 m²) et un loyer unitaire de 230 €/m² p, soit une valeur locative de 32 000 € après majoration de 3 % résultant de la faculté d’exploitation d’une terrasse étroite toute l’année (TGI Nanterre 8 avril 2013, n° RG 10/02719). Le déplafonnement a également été retenu pour un autre café-restaurant sis 5, rue de Belfort à Clichy pour un renouvellement au 1er avril 2008 (TGI Nanterre 21 janvier 2013, n° RG 09/07440).
On recense également deux décisions judiciaires à Boulogne-Billancourt, en matière de fixation du loyer à la valeur locative résultant de la modification notable des facteurs locaux de commercialité :
Le tribunal a également retenu la fixation du loyer à la valeur locative résultant de la modification notable des facteurs locaux de commercialité dans deux décisions judiciaires à Bagneux portant sur un même local d’activité à usage de garage-carrosserie sis 2628, avenue Aristide-Briand dont les baux venaient en renouvellements au 1er juillet 2009.
La première décision concerne une surface pondérée de 264,57 m² p dont 229,48 m² p pour le bâti et 35,09 m² p pour la cour et un loyer unitaire de 85 €/m² p pour le bâti et 21,25 €/m² p pour la cour. La seconde décision concerne une surface de 121,60 m² p et un loyer unitaire de 85 €/m² p (TGI Nanterre 16 septembre 2013, n° RG 11/05372).
Enfin, toujours en matière de modification notable des facteurs locaux de commercialité, nous pouvons citer les communes suivantes ayant fait l’objet de décisions judiciaires ponctuelles : Puteaux, Rueil-Malmaison, La Garenne-Colombes, Asnières-sur-Seine, Levallois-Perret et Issy-les-Moulineaux (les deux dernières ayant connu une augmentation importante de leur population).
Les valeurs locatives
En matière de valeurs locatives, certaines communes des Hauts-de-Seine connaissent des niveaux de loyers équivalents à ce que l’on peut trouver dans la capitale. Ainsi, la valeur locative la plus élevée concerne la commune de Boulogne-Billancourt, déjà citée en matière de déplafonnement des loyers.
La commune de Neuilly-sur-Seine connaît également des valeurs locatives élevées. Ainsi, le tribunal a retenu pour le renouvellement au 1er avril 2010 du bail d’un café-tabac sis 18, place du Marché, d’une surface pondérée de 68,58 m² p une valeur locative de 45600 €, soit un montant unitaire de 665 €/m² p (TGI Nanterre 27 mai 2013, n° RG 12/00048).
On recense également dans d’autres communes des Hauts-de-Seine, en dépit de leur caractère plus populaire, des niveaux de loyers relativement élevés.
Par exemple, pour une pharmacie sise 12, rue Baudin / centre commercial de Charras à Courbevoie, le tribunal a retenu un loyer unitaire de 452 €/m² p pour une surface pondérée de 188 m² p, soit une valeur locative de 85 000 €. On précisera toutefois que le loyer plafonné résultant de l’évolution des indices étant supérieur à la valeur locative, la décision judiciaire a entraîné une baisse du loyer (TGI Nanterre 4 février 2013, n° RG 10/00945). Pour la plupart des autres communes, les valeurs locatives fixées judiciairement oscillent entre 200 €/m² p et 380 €/m² p. Ainsi on peut citer une fixation à la valeur locative pour un montant unitaire de 200 €/m² p à Suresnes dans le cadre d’un renouvellement au 15 novembre 2008 d’un commerce de déguisements sis 28, boulevard Henri-Sellier (TGI Nanterre 30 septembre 2013, n° RG 1/08548) et également 200 €/m² p à Asnières-sur-Seine pour un renouvellement au 1er octobre 2006 pour une activité de restauration sise 30, boulevard Voltaire (TGI Nanterre 22 octobre 2012, n° RG 11/08342).
A contrario, il a été retenu une valeur locative unitaire de 380 €/m² p dans des communes telles que Bourg-la-Reine, Boulogne-Billancourt, Levallois-Perret et Issy-les-Moulineaux.
Cela étant dit, nous pouvons constater encore dans certains secteurs et pour certaines activités des niveaux de loyers particulièrement modestes et en tout cas inconnus dans la capitale.
Ainsi la fixation judiciaire la plus emblématique concerne un renouvellement au 1er janvier 2010 du bail d’un commerce de philatélie et numismatique (alors que le bail prévoyait l’exercice d’une activité de teinturerie-pressing automatique) sis 155, avenue Aristide-Briand à Antony où, pour une surface pondérée de 57,56 m² p, le tribunal a retenu un loyer unitaire de 140 €/m² p, soit une valeur locative de 8100 € (TGI Nanterre 15 avril 2013, n° RG 12/09142).
S’agissant des locaux d’activité, on constate des valeurs locatives unitaires comprises entre 65 €/m² p et 140 €/m² p :
Enfin, plusieurs décisions judiciaires concernant des locaux à usage exclusif de bureaux (application de l’article R. 145-11 du code de commerce) ont également été rendues par le tribunal en 2012 et en 2013.
On peut citer :
Les valeurs locatives inférieures aux loyers plafonnés
L’une des hypothèses de fixation du loyer à la valeur locative lors du renouvellement d’un bail commercial est le cas où la valeur locative est inférieure au loyer déterminé par les indices.
Le tribunal retient des valeurs locatives inférieures aux loyers plafonnés dans certaines communes des Hauts-de-Seine. On recense notamment deux décisions judiciaires à Saint-Cloud sur les trois jugées par le tribunal (la troisième concernant une fixation du loyer à la valeur locative du fait de l’activité d’agence immobilière assimilée à une activité de bureau).
Ces deux décisions concernent un restaurant situé 1, rue de l’Église et 38, rue Royale à Saint-Cloud. Pour les renouvellements des deux baux au 1er avril 2010, le tribunal retient une valeur locative unitaire de 350 € et une minoration de 5 % résultant de l’impôt foncier mis à la charge de la preneuse (TGI Nanterre 17 juin 2013, nos RG 12/12185 et 12/12186).
Étude détaillée des éléments affectant la valeur locative
Les éléments de majoration de la valeur locative
L’analyse des fixations judiciaires de la chambre des loyers commerciaux du tribunal de grande instance de Paris, mais également de celles de Créteil et de Nanterre nous a permis d’identifier les différents facteurs de majoration de la valeur locative. Certains sont connus de la plupart des praticiens, mais d’autres, en revanche, sont plus inattendus et démontrent que si la valeur locative doit être déterminée en fonction des loyers de renouvellement du voisinage corrigés des caractéristiques du local, de la pondération et de l’appréciation par comparaison de la valeur locative unitaire, ces corrections ne suffisent pas toujours pour refléter parfaitement l’impact des caractéristiques immobilières du local et des clauses et conditions du bail.
Ainsi, on peut classer en quatre grandes catégories les motifs de majoration de la valeur locative.
Possibilité offerte au locataire de jouir de surfaces autres que celles définies dans le bail
Il s’agit de surfaces qui ne sont pas dans le périmètre du bail et qui n’ont donc pas pu être intégrées dans la surface réelle et pondérée.
Il convient de distinguer :
Ainsi pour un renouvellement de bail au 1er janvier 2010 d’une brasserie sise 107, rue Monge à Paris 5e, le tribunal a retenu pour une surface pondérée de 107,25 m² p, un loyer unitaire de 450 €/m² p avant majoration de 15 % résultant de l’avantage procuré par deux terrasses de respectivement 37 et 38 couverts (TGI Paris 31 août 2012, n° RG 10/02324).
Dans un autre jugement concernant un renouvellement de bail au 1er avril 2008 d’une boutique de décoration située en fond de cour sise 20, rue Moreau à Paris 12e, il a été retenu pour une surface pondérée de 423,92 m² p un loyer unitaire de 170 €/m² p, soit une valeur locative de 75670 € après majoration de 2 % pour faculté de sous-location limitée et de 3 % résultant de la jouissance exclusive de la cour permettant d’accéder au local d’une surface réelle de 15,45 m² (TGI Paris 11 avril 2013, n° RG 10/00621).
Enfin, dans une décision concernant un renouvellement de bail au 22 septembre 2006 d’une surface de bureaux au 2e étage sise 31, avenue de l’Opéra à Paris 1er, le tribunal a retenu une majoration de 5 % résultant du droit de jouissance exclusive d’un couloir, anciennement partie commune, desservant les lieux loués (TGI Paris 2 juin 2010, n° RG 07/01227).
Avantages inhabituels au profit du locataire
Il s’agit de droits inhabituels concédés au locataire en contradiction avec les usages constatés sur le marché.
Ils concernent pour l’essentiel la destination des locaux, la sous-location, la libre cession du droit au bail, mais également le droit de préférence pour l’achat des murs, la faculté de résiliation anticipée du bail dans l’hypothèse du non-renouvellement des autres baux afférant aux locaux avec les majorations suivantes :
Dans le cadre de la majoration applicable, on précisera que la décision judiciaire qui avait retenu une majoration de 20 % sur la valeur locative concernait un renouvellement de bail au 1er janvier 2008 d’une agence immobilière sise 61, rue de Vaugirard à Paris 6e d’une surface de 18,96 m² p pour laquelle le locataire bénéficiait d’une libre cession du droit au bail pour une activité de distribution de plats chauds (TGI Paris 1er juin 2011, n° RG 09/03616).
La situation et les caractéristiques immobilières des locaux
Les caractéristiques immobilières en matière de boutiques sont habituellement reflétées par la pondération appliquée à chaque partie du local. Toutefois, dans certaines configurations particulières, la pondération ne traduit pas complètement la correction à appliquer sur la valeur locative. Ainsi il a été retenu pour un renouvellement au 1er octobre 2008 du bail d’un ensemble immobilier remarquable à usage de bureaux de type maison de ville sis 27, rue Jacob à Paris 6e, une valeur locative de 164376 € après application d’une majoration de 8 % résultant des caractéristiques architecturales spécifiques du bâtiment (TGI Paris 22 mai 2013, n° RG 08/13029). On peut également citer une décision concernant un restaurant gastronomique sis 17, rue de Beaujolais à Paris 1er pour lequel il a été retenu une majoration de 35 % résultant du décor exceptionnel des lieux loués sur une valeur locative unitaire au 1er octobre 2004 de 450 €/m² p et une surface pondérée de 185 m² p (TGI Paris 5 novembre 2009, n° RG 06/06552).
Enfin, dans le cadre d’un renouvellement de bail au 1er janvier 2010 d’un commerce de restauration rapide sis 119, rue Saint-Lazare à Paris 8e, il a été notamment retenu une majoration de 5 % résultant du caractère exceptionnel de la façade sur la base d’une valeur locative unitaire de 950 €/m² p et d’une surface pondérée de 160,14 m² p (TGI Paris 18 février 2014, n° RG 10/05998).
On observera par ailleurs que dans le cadre d’une activité exploitée sur plusieurs boutiques adjacentes faisant l’objet de baux distincts il est d’usage de retenir une majoration de 3 à 10 % résultant des communications établies entre les différentes boutiques.
Ainsi le tribunal a retenu pour un renouvellement de bail au 1er juillet 2003 d’un traiteur sis 56, rue du Faubourg-Saint-Denis à Paris 10e une majoration de 5 % résultant de la communication de la boutique sur rue avec d’autres locaux sur cour à usage de réserve et de laboratoire sur la base d’une valeur locative unitaire de 350 €/m² p et d’une surface pondérée de 181,42 m² p (TGI Paris 24 juin 2009, n° RG 04/18261).
De la même façon il a été retenu dans le cadre d’un renouvellement de bail à effet du 1er juillet 2010 d’une agence bancaire sise 24, avenue Secrétan à Paris 19e une majoration de 10 % résultant de la communication avec la boutique adjacente sur la base d’une valeur locative unitaire de 500 €/m² p et d’une surface pondérée de 71,60 m² p (TGI Paris 3 septembre 2012, n° RG 10/04700).
S’agissant de locaux de taille modeste (dont les surfaces pondérées sont généralement inférieures à 20 m²), on constate habituellement un accroissement du loyer unitaire au fur et à mesure que la surface diminue: effet bonbonnière.
Les principes de pondération applicables ne traduisent pas la commercialité particulière de ce type de locaux. Il convient donc de corriger la valeur locative en lui appliquant une majoration dont l’importance sera inversement proportionnelle à la surface du local loué.
Ainsi il a été retenu une majoration :
Tableau 9 : Les abattements
Possibilité offerte au locataire de modifier de manière importante les caractéristiques du local
Il s’agit d’autorisations données au locataire d’entreprendre certains travaux touchant le gros oeuvre ou la structure de l’immeuble.
Ainsi pour le renouvellement de bail au 1er janvier 2008 d’un café-restaurant sis 55, boulevard Gouvion-Saint-Cyr à Paris 17e, le tribunal a adopté l’avis de l’expert qui a estimé que le droit de percement justifiait une majoration de 3 % sur la valeur locative, retenue sur la base d’un montant unitaire de 450 €/m² p et d’une surface pondérée de 65,34 m² p (TGI Paris 20 octobre 2010, n° RG 08/10460).
On peut également citer le renouvellement de bail au 29 mars 2010 d’une boutique sur cour à usage de « conservation, restauration de patrimoine, décoration et exposition d’oeuvres d’art » sise 83, boulevard Richard-Lenoir à Paris 11e, où sur la base d’une valeur locative de 215 €/m² p et d’une surface pondérée de 103 m² p, le tribunal a retenu une majoration de 10 % résultant du droit pour la preneuse d’édifier une mezzanine (TGI Paris 8novembre 2012, n° RG 11/00438).
Tableau 10 : Les majorations
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