BAUX DE LOCAUX COMMERCIAUX FIXATIONS JUDICIAIRES 2009 – 2013 (1ER SEMESTRE)
Serge FRUCHTER & Alain BETAILLE
Experts près la Cour d'Appel de Paris
L’Observatoire des loyers judiciaires qui résulte de l’analyse d’un grand nombre de décisions (plus de 800) en matière de baux commerciaux intervenus entre 2009 et le1er semestre 2013, s’est enrichi pour sa 2ème édition de plus de 200 jugements.
Le but de nos analyses est de contribuer à l’enrichissement de l’information des praticiens des baux commerciaux et de leur permettre d’apprécier l’évolution des décisions judiciaires au fil des années, des soubresauts du marché immobilier et des changements qui s’annoncent dans le droit des baux commerciaux.
Répétons-le les jugements constituent pour tous les praticiens de ce domaine un précieux "gisement" d'informations. En effet, les valeurs locatives fixées judiciairement reflètent non seulement les décisions prises par la chambre spécialisée du T.G.I. de Paris et d’Île-de-France, mais également les argumentations des experts et l’analyse qu'ils font des différentes situations commerciales examinées.
Celle-ci se décline en quatre parties puisque nous y avons ajouté une analyse des jugements du T.G.I. de Créteil ainsi qu’une autre concernant les éléments de minoration de la valeur locative. Dès lors, le sommaire de cette étude est le suivant :
Une synthèse des jugements analysés pendant la période de référence en fonction de la date des fixations des jugements et détaillée selon la typologie de locaux (boutiques, hôtels, bureaux, locaux d'activités), leur situation géographique, les loyers retenus par les tribunaux ainsi que les motifs de déplafonnement invoqués. Nous y avons ajouté une analyse des loyers judiciaires résultant de la destination des lieux.
Comme l’année passée une analyse détaillée des motifs de déplafonnement et des valeurs locatives retenues par les tribunaux dans différents secteurs géographiques de la capitale :
Pour rappel
ni les affaires ayant donné lieu à un rapprochement en cours de procédure, ni celles, où un désistement
est intervenu, ni enfin, les appels ayant réformé des jugements, n'ont été pris en compte.
PARTIE I : GRANDES TENDANCES DES FIXATIONS JUDICIAIRES 2009 - 2013
Comme l’année passée nous avons mené une série d’analyses afin de déterminer les grandes tendances des jugements recensés en matière de fixation des loyers commerciaux :
Une nouvelle analyse portant sur les renouvellements et les révisions en fonction de la destination des lieux.
Quels sont les enseignements à tirer des décisions judiciaires intervenues entre le 1er juillet 2012 et le 30 juin 2013 ?
Résultats de l'analyse des motifs de déplafonnement en fonction de la date des jugements
L'examen de ce tableau permet de formuler les observations suivantes :
Résultats de l'analyse des jugements en fonction du type de locaux
L'examen de ce tableau conduit à formuler les observations suivantes :
La seule surprise de cette analyse résulte de l’augmentation des jugements en matière de locaux commerciaux autres que des boutiques, bureaux ou locaux monovalents. L'explication est à rechercher dans les procédures résultant de la fixation du loyer révisé à la valeur locative.
Résultats de l'analyse des jugements en fonction de la situation géographique dans la capitale
L'examen de ce tableau nous conduit à formuler les observations suivantes :
Plus généralement on remarquera l'importance de la rive droite
qui représente plus des trois quarts des jugements.
Nous nous étonnions l'année passée de la faible représentativité de certains arrondissements dotés d'artères très commerçantes (4ème, 5ème, 7ème, 12ème, 13ème, 14ème et 15ème), depuis lors l’évolution a été radicale puisqu'au moins deux d'entre eux ont vu le nombre de jugements considérablement croître (4ème arrdt dont le nombre de jugements a augmenté de plus de 70 % et le 15ème arrdt dont le nombre a augmenté de plus de 60 %). En ce qui concerne la modification des facteurs locaux de commercialité, les dix arrondissements (2ème, 4ème, 6ème, 7ème, 8ème, 9ème, 11ème, 12ème,13ème et 18ème) qui s'octroyaient l'an dernier près de 80 % des jugements ne représentent plus désormais que 74 %. En effet, deux arrondissements voient le nombre de jugements diminuer (7ème et 12ème arrdt) et le 15ème arrondissement rentre dans le "CAC 40" des arrondissements les plus concernés par ce critère de déplafonnement.
Résultats de l'analyse des renouvellements et des révisions en fonction de leur date d'effet
Résultats de l'analyse des renouvellements et des révisions en fonction de la destination des lieux loués
Les grands enseignements à tirer de cette dernière analyse sont les suivants :
Étant bien sûr rappelé que les fourchettes de valeurs locatives retenues, comme l'ensemble de ces données, ne reflètent que la situation résultant des fixations judiciaires et non des conditions du marché.
PARTIE II : ETUDE DETAILLEE EN FONCTION DE CRITERES GEOGRAPHIQUES RESULTANT DE JUGEMENTS DU TGI DE PARIS
Secteur de la rue Saint Honoré et de la rue du Faubourg Saint Honoré Motifs de déplafonnement
Concernant ce secteur deux jugements concluent au déplafonnement pour modification des facteurs locaux de commercialité :
Les valeurs locatives
S'agissant des loyers unitaires de renouvellement en matière de boutiques la "palme" revient à une bijouterie située 70, rue du Faubourg Saint Honoré et citée précédemment moyennant un loyer unitaire de 2 000 €/m² p.
A contrario, la valeur locative la moins élevée sur l'axe rue Saint Honoré, rue du Faubourg Saint Honoré concerne une agence de voyages sise 189, rue du Faubourg Saint Honoré pour un renouvellement au 1er janvier 2006 avec loyer unitaire de 450 €/m²p et une surface pondérée de 41,96 m² p, soit une valeur locative de 18 900 € (Décision du TGI de Paris du 24 juin 2009 n° RG 06/06771).
On citera également une supérette alimentaire située 205, rue Saint Honoré d'une surface de 84 m² p dont le loyer de renouvellement au 1er janvier 2006 a été fixé à 50 400 € soit un loyer unitaire de 600 €/m² p (Décision du TGI de Paris du 11 octobre 2010 n° RG 08/05578).
Secteur de la rue de Rennes
Motifs de déplafonnement
Si la rue de Rennes ne semble pas avoir connu ces dernières années d'évolution commerciale majeure, cette relative stabilité contraste avec l’agitation qui s'est emparée du secteur limitrophe du carrefour Croix Rouge où l'on constate une avalanche de cessions de droit au bail moyennant des montants particulièrement importants pour ce secteur.
Concernant la rue de Rennes, nous n'avons pu recenser aucune décision judiciaire ayant entériné une modification notable des facteurs locaux de commercialité.
A contrario, le plafonnement a été retenu dans deux décisions récentes :
En périphérie de la rue de Rennes, seul le secteur du carrefour Croix Rouge semble donc affecté par une évolution notable des facteurs locaux de commercialité.
Il s'agit d'une décision concernant un commerce de prêt-à-porter et accessoires de mode sis 46, rue du Four. Pour un renouvellement au 1er janvier 2006, le Tribunal a retenu une surface pondérée de 63,39 m² p et une valeur locative unitaire de 1 000 €/m² p moyennant un loyer de 63 390 € (Décision du TGI de Paris du 27 janvier 2012 - n° RG 07/15447).
On citera également une seconde décision qui concerne un commerce ayant pour destination "Tous commerces de luxe" sis 74, rue des Saints-Pères. Pour un renouvellement au 1er avril 2007, le Tribunal a retenu une surface pondérée de 56 m² p et une valeur locative de 900 €/m² p moyennant un loyer de 50 400 € (Décision du TGI de Paris du 26 octobre 2009 - n° RG 07/11042).
Les valeurs locatives
En matière de valeurs locatives le loyer unitaire le plus élevé de ce secteur concerne un renouvellement au 1er janvier 2006 d'un commerce de prêt-à-porter, chaussures, maroquinerie, article de sport, parfumerie, sis 155 rue de Rennes présentant une surface pondérée base boutique de surface importante de 267,01 m² BSI et base grande surface de 353,76 m² GS. Le tribunal a retenu une valeur locative unitaire de 1 800 €/m² BSI et 1 300 €/m² GS, soit après abattement de 10 % pour charges exorbitantes, une valeur locative de 423 000 € (Décision du TGI de Paris du 25 novembre 2009 - n° RG 06/07481).
Outre la décision judiciaire précédemment exposée d'une boutique sise 46, rue du Four ou le loyer unitaire a été fixé à 1 000 €/m², on citera également un renouvellement de bail au 1er juillet 2006 d’un commerce de chaussures, articles de maroquinerie, accessoires bonneterie prêt-à-porter et confection sis 66 rue de Rennes d'une surface pondérée de 44,50 m² p. Le Tribunal a retenu une valeur locative unitaire de 1 300 €/m² p soit un loyer de renouvellement de 57 850 € (Décision du TGI de Paris du 7 juin 2010 - n° RG 06/14570).
S'agissant enfin de la quasi-totalité des autres fixations judiciaires récentes dans ce secteur, on constate que les valeurs locatives ont été estimées sur la base de loyers unitaires compris entre 776 € et 1 026 €/m² p qui contrastent avec les loyers de marché et les montants décapitalisés des cessions de droits au bail relevés dans le secteur du carrefour Croix Rouge.
Le 13ème arrondissement
Modification notable des facteurs locaux de commercialité
Il s'agissait d'un arrondissement de Paris où l'on recensait peu de fixations judiciaires depuis les années 90 avec l'effervescence des loyers de l'avenue d'Italie.
L’avènement d'un nouveau quartier construit de toutes pièces en bordure de la Seine et sur le réseau ferroviaire de la gare d'Austerlitz ainsi que l'arrivée d'une nouvelle ligne de métro et de RER ont "réveillé" un secteur plutôt peu exposé aux bouleversements de l'environnement commercial.
Ce n'est toutefois pas dans ce secteur du 13ème arrondissement que se situe la décision la plus récente en matière de modification notable des facteurs locaux de commercialité.
Elle concerne en substance un commerce de boulangerie-pâtisserie sis 221, rue de Tolbiac soit à l'ouest de l'arrondissement pour un renouvellement de bail au 1er mars 2009, une surface pondérée de 58 m² p et un loyer unitaire de 320 €/m² p soit un loyer de renouvellement de 18 537 €.
Le Tribunal a retenu comme critère déterminant de la modification notable des facteurs locaux de commercialité l'édification dans un rayon de 400 mètres autour des lieux loués de 446 appartements, conjuguée à une faible concurrence, et ce malgré la stagnation voir la régression en 2008 du chiffre d'affaires du commerce considéré (Décision du TGI de Paris du 6 janvier 2012 - n° RG 10/03659).
Pour cinq autres décisions concernant des commerces situés à l'est de l’arrondissement, mais dont les dates d'effet sont plus anciennes, une modification des facteurs locaux de commercialité a été retenue. Elles méritent donc d'être commentées :
Pour un commerce de chaussures et vêtements de sport sis 110, rue de Patay et un renouvellement au 1er avril 2005, le Tribunal a fixé la valeur locative à un montant H.T. H.C. de 18 480 € soit pour une surface pondérée de 77 m² p, un loyer unitaire de 240 €/m² p.
Les éléments caractérisant la modification notable des facteurs locaux de commercialité étaient l'ouverture au cours du bail échu de la station de métro Bibliothèque et la mutation du quartier résultant de la construction de nombreux logements.
A contrario, l'ouverture postérieurement à la date d'effet du renouvellement d'un magasin Décathlon dans la zone de chalandise des lieux loués n'a pu être pris en considération (Décision du TGI de Paris du 15 septembre 2010 - n° RG 07/14267).
Plus à l'ouest de ce secteur, pour un commerce de restauration sis 23, rue du Docteur Magnan angle avenue de Choisy, il a été retenu pour un renouvellement au 1er août 2006 et une surface pondérée de 153,96 m² p, une valeur locative de 58 500 € soit un montant unitaire de 380 €/m² p (Décision du TGI de Paris du 19 janvier 2011 - n° RG 07/15455).
Enfin, pour un commerce de restauration rapide à l'enseigne Mc Donald's situé 82-84 avenue d'Italie, à l'angle de la rue de Tolbiac, le Tribunal a retenu pour un renouvellement au 1er juillet 2007 et une surface pondérée de 330 m² p, une valeur locative de 125 069 € après majoration de 3 % pour la jouissance d'une terrasse sur le domaine public et déduction du montant de la taxe foncière soit un montant unitaire de 380 €/m² p. La modification notable des facteurs locaux de commercialité résultant essentiellement de la construction de 466 logements corroborée par la hausse de 17 % du chiffre d'affaires de la preneuse au cours du bail échu (Décision du TGI de Paris du 16 juin 2011 - n° RG 08/11146).
Les valeurs locatives
Comme nous avons pu le constater précédemment, en matière de valeur locative, les loyers unitaires les plus élevés sont situés dans le secteur des avenues d’Italie, d'Ivry et de Choisy.
Outre les fixations judiciaires déjà évoquées, les valeurs locatives les plus élevées dans ce secteur concernent des commerces situés rue de Tolbiac.
On peut ainsi citer :
Le loyer le moins élevé dans ce secteur correspond quand à lui :
PARTIE III : ETUDE DETAILLEE EN FONCTION DE CRITERES GEOGRAPHIQUES RESULTANT DE JUGEMENTS DU TGI DE CRETEIL
Cette année nous franchissons le périphérique pour nous intéresser au département du Val de Marne. Pour ce faire, nous avons analysé une cinquantaines de décisions judiciaires, collectées depuis quatre ans nous ayant permis d'identifier les différentes valeurs locatives judiciaires, mais également les communes où une modification notable des facteurs locaux de commercialité a entraîné une fixation du loyer de renouvellement à la valeur locative.
La modification notable des facteurs locaux de commercialité
La modification notable des facteurs locaux de commercialité traduit une évolution sensible du paysage urbain et commercial d'un secteur ou d'une commune donnée.
Ainsi certaines villes ont connu une profonde évolution de leur environnement urbain et une mutation de la typologie des résidents. Les différentes décisions judiciaires portant sur l'évolution notable des facteurs locaux de commercialité mettent en exergue ces évolutions.
On observera toutefois que si certaines communes du Val de Marne ont connu et connaissent encore un bouleversement de leur physionomie (voir tableau ci-dessus), peu ou pas de décisions judiciaires les concernant n'ont pu être recensées. L'explication tient certainement dans l'absence d'enjeux en matière commerciale au regard de la faiblesse des loyers pratiqués.
La commune de Vincennes détient la palme des décisions concernant la modification notable des facteurs locaux de commercialité pour des activités très diverses.
Le Tribunal a ainsi retenu le déplafonnement pour un Tabac sis 170 rue de Paris à Vincennes dans le cadre d'un renouvellement de bail au 1er janvier 2007 pour un surface pondérée de 33 m² p (outre un logement de 81,7 m²) et un loyer unitaire pour la partie commerciale de 260 €/m² p soit une valeur locative de 24 200 € dont 8 580 € de la partie commerciale (Décision du TGI de Créteil du 9 mars 2009 - n° RG 07/00026).
Toujours à Vincennes pour une activité de vente de véhicules & accessoires automobiles, une boutique sise 2, rue de Colmar, le Tribunal a retenu de nouveau le déplafonnement dans le cadre d'un renouvellement de bail au 27 juin 2007 pour une surface pondérée de 190 m² p et un loyer unitaire de 190 €/m² p, soit une valeur locative de 39 700 € après majoration de 10 % résultant de la faculté de communication avec la boutique adjacente (Décision du TGI de Créteil du 16 novembre 2009 - n° RG 08/00003).
Le déplafonnement a également été retenu pour une pharmacie sise 168bis rue de Paris pour un renouvellement au 1er avril 2007, une surface pondérée de la partie commerciale de 65 m² p (outre un logement de 79,6 m²) et un loyer unitaire de 380 €/m² p, soit une valeur locative de 40 900 € dont 24 700 € de la partie commerciale (Décision du TGI de Créteil du 7 décembre 2009 - n° RG 08/00023).
On recense également deux décisions judiciaires à Saint Mandé, limitrophe de Vincennes en matière de fixation du loyer à la valeur locative résultant de la modification notable des facteurs locaux de commercialité.
Il s'agit :
Enfin, toujours en matière de modification notable des facteurs locaux de commercialité, on peut citer les communes suivantes ayant fait l'objet de décisions judiciaires ponctuelles : Arcueil, Nogent-sur-Marne, Alfortville (alors même que sa population a considérablement augmenté), Ivry-sur-Seine, Thiais, Villiers-sur-Marne, Bonneuil-sur-Marne, Champigny-sur-Marne et Maisons-Alfort.
Les valeurs locatives
En matière de valeurs locatives, certaines communes du Val-de-Marne connaissent des niveaux de loyers équivalents à ce que l'on peut trouver dans la capitale.
Ainsi la valeur locative la plus élevée concerne la commune de Charenton-le-Pont. Le Tribunal a retenu pour un renouvellement de bail au 1er octobre 2009 d'un commerce de restauration rapide sis 71 et 73 rue de Paris, un loyer de 89 364 € après déduction du montant de la taxe foncière soit pour une surface pondérée de 186 m² p, un loyer unitaire de 500 €/m² p (Décision du TGI de Créteil du 11 septembre 2012 - n° RG 10/00008).
Par ailleurs, la commune de Saint-Mandé déjà citée en matière de déplafonnement des loyers mérite également notre attention au regard du niveau des valeurs locatives.
Ainsi, outre la fixation judiciaire précédemment évoquée (12 avenue du Général de Gaulle) qui avait conclu à une valeur locative de 480 €/m² p, on peut également citer la fixation par le Tribunal d'un loyer de renouvellement au 1er octobre 2007 pour un commerce de restauration sis 15 avenue du Général de Gaulle à Saint-Mandé d'une surface pondérée de 30,25 m² p sur la base de 425 €/m² p, soit une valeur locative de 12 900 € (Décision du TGI de Créteil du 17 mai 2010 - n° RG 08/00021).
On recense dans d'autres communes du Val-de-Marne, en dépit de leur caractère plus populaire, des niveaux de loyers relativement élevés.
Par exemple, pour un salon de coiffure sis 11, place de la République à Ivry-sur-Seine, le Tribunal a retenu un loyer unitaire de 340 €/m² p pour une surface pondérée de 43 m² p, soit une valeur locative de 15 350 € après majoration de 5 % pour large destination (prêt-à-porter en sus de l'activité exercée). On précisera toutefois que le loyer plafonné résultant de l'évolution des indices étant supérieur à la valeur locative, la décision judiciaire a entraîné une baisse du loyer (Décision du TGI de Créteil du 3 juillet 2012 - n° RG 10/00010).
A contrario, on rencontre encore en banlieue dans certains secteurs et pour certaines activités des niveaux de loyers particulièrement modestes et en tous cas inconnus dans la capitale.
Ainsi la fixation judiciaire la plus emblématique concerne une révision au 12 mai 2009 d'une "boîte commerciale" à usage de commerce de vente de pièces détachées automobiles sise 10 rue Charles Martigny à Maisons-Alfort où, pour une surface commerciale de 590 m² p, le Tribunal a retenu un loyer unitaire de 75 €/m² p, soit une valeur locative de 38 630 € après minoration de 6 % (pour charges exorbitantes) et montant de l'impôt foncier (Décision du TGI de Créteil du 9 octobre 2012 - n° RG 09/00044).
Ou encore, concernant le renouvellement au 1er avril 2006 d'un café restaurant brasserie sis 2 rue de l'Égalité à Thiais, le Tribunal a retenu une surface pondérée de 107 m² p pour la partie boutique (outre un logement de 54,40 m² et un garage), une valeur locative unitaire de 150 €/m² p, soit une valeur locative de 24 500 €. Le motif de déplafonnement retenu étant la modification des facteurs locaux de commercialité pendant le cours du bail échu (Décision du 16 novembre 2009 - n° RG 07/00025).
PARTIE IV : ETUDE DETAILLEE DES ELEMENTS DE MINORATION DE LA VALEUR LOCATIVE
L'analyse des fixations judiciaires de la chambre des loyers commerciaux du Tribunal de Grande Instance de Paris, mais également de celles de Créteil nous a permis d'identifier les différents facteurs de minoration de la valeur locative. Certains sont connus de la plupart des praticiens, mais d'autres, en revanche, sont plus inattendus et démontrent que si la valeur locative doit être déterminée en fonction des loyers de renouvellement du voisinage corrigé des caractéristiques du local, de la pondération et de l'appréciation par comparaison de la valeur locative unitaire ; ces corrections ne suffisent pas toujours à refléter parfaitement l'impact des caractéristiques immobilières du local et des clauses et conditions du bail.
Ainsi on peut classer en cinq grandes catégories les motifs de minoration de la valeur locative :
Les charges exorbitantes pesant sur le locataire.
Il 's'agit de coûts mis à la charge du locataire en contradiction avec les usages constatés sur le marché.
Ils concernent pour l'essentiel la taxe foncière, les grosses réparations, les charges de copropriété et l'assurance de l'immeuble, mais également les travaux réglementaires avec des abattements compris habituellement entre 2 et 15 %, voire 20 %, en fonction de l'importance cumulée de ces charges. La déduction du montant réel de la taxe foncière de l'année du renouvellement étant parfois retenue au détriment d'un abattement forfaitaire.
Ainsi pour un renouvellement de bail au 1er octobre 2005 d'un atelier de vente et réparations automobiles sis 158, rue Cardinet à Paris 17ème, le Tribunal a retenu pour une surface utile en rez-de-chaussée de 316 m², un loyer unitaire de 100 €/m² avant abattement de 7 % résultant de la mise à la charge du locataire des grosses réparations et de l'impôt foncier (Décision du TGI de Paris du 4 décembre 2009 - n° RG 07/12619).
Dans un autre jugement concernant un renouvellement de bail au 1er juin 2009 d'un bar restaurant sis 43 rue Le Peletier à Paris 9ème, il a été retenu pour une surface pondérée de 54,70 m² p, un loyer unitaire de 430 €/m² p, soit une valeur locative de 21 769 € après déduction du montant de la taxe foncière et abattement de 5 % résultant de la mise à la charge du locataire de la prime d'assurance de l'immeuble et des travaux liés à la vétusté outre le montant de l'impôt foncier (Décision du TGI de Paris du 18 mai 2012 - n° RG 09/19330)
Enfin dans une décision concernant un renouvellement de bail au 1er janvier 2011 d'un immeuble à usage d’hôtel 3 étoiles comprenant outre la partie hôtel proprement dite, un restaurant en rez-de-chaussée, le Tribunal a retenu un abattement de 15 % résultant de l'impôt foncier, de l’assurance incendie de l'immeuble et des travaux prescrits par l'autorité administrative supportés par le locataire (Décision du TGI de Paris du 18 décembre 2012 - n° RG 11/01222).
En revanche dans une décision concernant une révision au 1er avril 2010 d'une surface en étage à usage exclusif de bureaux sis 120, avenue du Général Leclerc à Paris 14ème, le Tribunal a rappelé que le remboursement par le locataire de l'impôt foncier ne constituait pas, pour des bureaux, une charge exorbitante justifiant un abattement sur la valeur locative, fixant celle-ci à un montant arrondi à 65 000 € résultant d'une surface réelle de 198,45 m², d'un loyer unitaire de 321 €/m² et de la valeur locative d'un emplacement de parking retenue pour 1 320 € (Décision du TGI de Paris du 12 novembre 2012 - n° RG 09/18168).
La situation et les caractéristiques immobilières des locaux.
Les caractéristiques immobilières en matière de boutiques sont habituellement reflétées par la pondération appliquée à chaque partie du local. Toutefois dans certaines configurations particulières, la pondération ne peut pas refléter complètement la correction à appliquer sur la valeur locative.
Ainsi il a été retenu pour un renouvellement au 1er janvier 2008 d'une grande surface alimentaire située dans une petite galerie commerciale sise 29-41, rue Mouraud à Paris 20ème, une valeur locative de 146 700 € résultant d'une surface pondérée de 1 629,60 m² p et d'un loyer unitaire de 150 €/m² p avant application d'un premier abattement de 20 % résultant du montant inhabituel et forfaitaire des charges supportées par la preneuse et d'un second abattement de 20 % au regard de la commercialité médiocre de la galerie et de l’absence de façade sur la voie publique (Décision du TGI de Paris du 29 avril 2011 - n° RG 08/06684).
Des restrictions inhabituelles pesant sur l'exploitation du local.
Certaines clauses et conditions peuvent restreindre de manière inhabituelle la possibilité pour le locataire de jouir pleinement des locaux donnés à bail.
Ainsi pour un café bar sis 248, rue de Rivoli à Paris 1er, la destination contractuelle prévoyait la fermeture à 22 H de l’établissement, handicapant l'activité du locataire. Le Tribunal a adopté l'avis de l'expert qui a estimé que cette clause limitative au regard de l'activité autorisée justifiait un abattement de 20 % sur la valeur locative, retenue sur la base d'un montant unitaire de 700 €/m² p et d'une surface pondérée de 73,32 m² p (Décision du TGI de Paris du 9 juillet 2010 - n° RG 08/10125).
La prise en compte de l'accession différée des travaux entrepris par le locataire.
L'accession en fin de jouissance ou lors du second renouvellement des travaux entrepris par le locataire peuvent justifier l'application d'un abattement sur la valeur locative par analogie avec ce que l'on rencontre en matière de locaux livrés “bruts de béton, fluides en attente“, où celui-ci peut avoisiner les 20 %.
Il convient en effet d'apprécier la valeur locative des locaux non pas dans leur état actuel, mais en faisant abstraction des aménagements, travaux ou améliorations financés et effectués par le locataire et dont la propriété n'a pas été transférée au bailleur.
Ainsi pour un renouvellement au 1er avril 2005 d'un local à usage d'école d'arts plastiques sis 10, rue de Seine à Paris 6ème, le Tribunal a retenu une valeur locative arrondie à 28 301 € résultant d'une surface pondérée de 237 m² p et d'un loyer unitaire de 140 €/m² p avant abattement de 15 % résultant de l'accession différée des travaux d'améliorations entrepris par le locataire au cours du bail échu (Décision du TGI de Paris du 28 juin 2010 - n° RG 07/10445).
Dans le cadre d'un autre renouvellement de bail à effet du 1er juillet 2006 d'un local à usage de restaurant sis 13, rue Marie Stuart et 42 rue Tiquetonne à Paris 2ème, le Tribunal a retenu un abattement de 30 % sur la valeur locative résultant des travaux importants financés par le locataire afin d'adapter les locaux à leur destination contractuelle, le transfert de propriété au profit du bailleur n'étant effectif qu'au départ du locataire (Décision du TGI de Paris du 27 mai 2010 - n° RG 07/08814).
L'état des locaux.
On considère habituellement que contrairement à ce qui se pratique en matière d’habitation, l'état des locaux commerciaux a un effet difficile à quantifier sur les loyers et sur les valeurs locatives.
Toutefois, dans certaines circonstances particulières où l'on constate que l'état du local donné à bail est particulièrement dégradé par rapport à ce qui se rencontre habituellement sur le marché pour ce type de locaux et au regard de l'activité autorisée, il convient de pratiquer un abattement sur la valeur locative du local.
Ainsi pour un renouvellement au 1er avril 2009 de locaux sur cour, annexes d'un célèbre établissement de restauration sis 17-19 avenue Franklin Roosevelt à Paris 8ème, le Tribunal a retenu un abattement de 10 % résultant de l'état dégradé des locaux qui fait suite aux désordres consécutifs à la vétusté de la couverture, soit une valeur locative après abattement de 23 400 € pour un loyer unitaire de 950 €/m² p et une surface pondérée de 27,54 m² p (Décision du TGI de Paris du 29 mai 2013 - n° RG 11/02013).
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